Madame Nicole 
                LEMAITRE 
                Université Paris I Panthéon Sorbonne 
                Cours d'agregation 
                d'histoire moderne:  
                Année académique 
                2002-2003 
                 
                   
                    2. Penser et explorer. Renaissance et ouverture du 
                    monde 
                  
              I. L'ouverture 
                du monde entre mythe et réalité  
                  
                
              II. 
                L'Amérique, Une révélation confuse et contestée 
                (1492-1502) 
                  
                
              III. 
                L'ouverture est-elle facteur de dynamisme ?  
                  | 
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             RENAISSANCE 
                  ET MODERNISATION 
                   
                  La tradition historiographique et sociologique représente 
                  la Renaissance comme la naissance de notre modernité. 
                  Mais les contemporains exécraient le terme modernus car 
                  ils voulaient recréer l'Antiquité. Le mot est 
                  cependant tellement élastique qu'on peut lui faire dire 
                  bien des choses. La Renaissance est-elle vraiment moderne, c'est 
                  à dire proche de nous, créatrice de ce que nous 
                  sommes ? Est-elle ouverte, inventive, rationnelle, dynamique, 
                  ainsi que nous aimons nous représenter ? Nous allons 
                  l'examiner sous plusieurs angles pour faire une réponse 
                  de normand : oui et non. 
                   
                  2. Penser et explorer. Renaissance et ouverture du monde 
                Les 
                  grandes découvertes font partie de la présentation 
                  obligée de la Renaissance. Nous y reviendrons à 
                  plusieurs reprises en cours et en TD, mais je voudrais poser 
                  des problèmes simples pour déconstruire une liaison 
                  trop bien établie entre Renaissance et mondialisation, 
                  Renaissance et dynamisme économique et démographique. 
                  Le réel est en effet bien plus complexe que ces schémas 
                  rhétoriques trop bien huilés. 
              1492 sert assez souvent de borne pour passer du Moyen Age à 
              l'époque moderne. Mais quelle en est la réalité 
              ? Au soir du 31 décembre 1492, voire au soir du 31 décembre 
              1500 encore, personne, et moins encore Christophe Colomb ne savent 
              qu'un nouveau continent vient d'être découvert. Il 
              faudra plus d'une génération pour se rendre à 
              l'évidence. Ce fait est directement lié à la 
              manière d'aborder la connaissance à cette époque, 
              d'une façon très ambiguë pour nous, entre tradition 
              et innovation , entre théologie et réalisme. Les réalités 
              matérielles, indéniables, n'expliquent pas à 
              elles seules pourquoi on a eu le goût du risque à cette 
              époque : l'esprit de croisade autant que le désir 
              de faire fortune animent les découvreurs. Il faut donc aller 
              voir de près pour éviter les anachronismes. 
                  Aujourd'hui, les découvertes se diffusent de façon 
                  presque instantanée et les conséquences pratiques, 
                  économiques, démographiques sont très rapidement 
                  sensibles. L'observation rapide des conséquences des 
                  Grandes découvertes nous permettra de poser quelques 
                  grandes structures économiques et démographiques 
                  caractéristiques de notre période. 
                  Cf Bartolomé et Lucile Bennassar,  
                  Lestringant, Frank, L'atelier du cosmographe ou l'image du monde 
                  à la Renaissance, Paris, 1991 et " Le monde ouvert 
                  " dans G. Chaix (éd.), L'Europe de la Renaissance, 
                  p. 9-26. 
                  Labrousse 
                  Braudel 
                  Vitorino Magalhaes Godinho, Les découvertes. Une révolution 
                  des mentalités, Autrement, 1990. 
                 
                  I. L'ouverture du monde entre mythe et réalité 
                 
                   
                   
                Des 
                  découvertes inéluctables ?  
                  Christophe Colomb est l'un des emblèmes de la Renaissance. 
                  Avec audace, il a sauté dans l'inconnu et ouvert la route 
                  des traversées transaltlantique que suit encore aujourd'hui 
                  la marine à voile (Route du rhum). Il faut se souvenir 
                  que l'extrémité de l'océan était 
                  pour le commun une zone de vide où tout disparaissait. 
                  Et pourtant, Colomb est loin de correspondre à l'image 
                  idéale qui a été construite par l'histoire 
                  car il est parti la tête pleine d'images venues de l'Antiquité 
                  et de la Bible. Le brouillon de sa lettre aux rois, insérée 
                  dans le Livre des prophéties de 1501, révèle 
                  un homme passablement vantard (il n'a jamais réalisé 
                  la circumnavigation de l'Afrique, réservée aux 
                  portugais) qui a conscience qu'il appartient à l'élite 
                  des marins et des hommes d'action. Pourtant les ressorts de 
                  son action ne sont pas totalement en lui-même :Tout jeune, 
                  j'ai commencé à naviguer sur la mer et j'ai continué 
                  à le faire jusqu'aujourd'hui. Cet art incline celui qui 
                  s'y livre au désir de connaître les secrets du 
                  monde… Toutes les routes sur lesquelles on a navigué 
                  jusqu'aujourd'hui, je les ai parcourues. J'ai eu des relations 
                  et entretiens avec des gens de science, ecclésiastiques 
                  et laïcs, latins et grecs, juifs et maures, et avec beaucoup 
                  d'autres de sectes différentes. Je trouvai Notre Seigneur 
                  favorable à mon désir et je reçus de lui 
                  pour cela l'esprit d'intelligence ; il me rendit apte à 
                  la profession de marin, me donna ce qui suffisait en astrologie, 
                  comme en géométrie et arithmétique. Au 
                  cours de ces temps, j'ai vu et étudié toutes sortes 
                  de livres : cosmographie, histoires, chroniques, philosophie 
                  et autres arts auxquels Notre Seigneur m'ouvrit l'esprit, en 
                  me rendant évidente la possibilité de naviguer 
                  d'ici aux Indes et il me donna la volonté d'exécuter 
                  ce projet ; habité par ce feu, je suis venu près 
                  de vos altesses. Tous ceux qui connurent mon projet me repoussèrent 
                  en raillant, ils se moquaient. Toutes les sciences que j'ai 
                  énumérées ne me furent d'aucun profit, 
                  ni leur autorité. Il n'y eut de foi et de constance qu'en 
                  Vos Altesses. Qui peut douter que cette lumière soit 
                  venue de l'Esprit-Saint comme de moi ? En 1501, Colomb croit 
                  encore avoir atteint les Indes grâce à l'aide de 
                  Dieu. Au nom de son expérience, il rejette largement 
                  le savoir livresque, celui qui est issu de l'Antiquité, 
                  Ptolémée, un Alexandrin du 2e siècle, dont 
                  on n'est pas sûr qu'il soit l'auteur de la Géographie 
                  qu'on lui attribue, mais bien du traité d'astronomie 
                  mathématique Almageste (La grande composition). En fait, 
                  le gênois Colomb était un vrai marin, aussi à 
                  l'aise en Méditerranée qu'en Atlantique, mais 
                  un mauvais savant. Il s'est trompé dans ses calculs avec 
                  une obstination étonnante qui nous invite à nous 
                  pencher sur ce qu'est vraiment un homme de la Renaissance. Voir 
                  Salinero. 
                  Fils de tisserand à l'aise, assez en tout cas pour lui 
                  donner une bonne instruction classique, il avait pris la mer 
                  vers 14 ans et bourlingué comme mousse un peu partout. 
                  Arrivé à Lisbonne en 1476, il se marie en 1479 
                  avec une jeune noble et séjourne le plus souvent à 
                  Madère. Entre la capitale de la navigation et l'ile du 
                  cœur de l'Atlantique, il a appris comme nul autre à maîtriser 
                  l'océan, de l'Islande à la Guinée et peut-être 
                  même découvert lui-même ou entendu parler 
                  d'une terre vers l'ouest à l'occasion de son séjour 
                  de plus de sept ans au milieu de l'Océan (le secret de 
                  Colomb). En tout cas, il en gardera une capacité à 
                  lire et à décrire la nature tout à fait 
                  étonnante. 
                  Il a cependant conçu à Lisbonne l'idée 
                  d'aller aux Indes par l'ouest. L'idée était dans 
                  l'air puisque le cosmographe de Nuremberg, Martin Behaim (l'auteur 
                  du premier globe terrestre connu, en 1492) l'a proposé, 
                  envoyé à Lisbonne par Hieronimus Munzer alors 
                  qu'ils ignoraient tout du premier voyage. Sur son globe, il 
                  place Cipango (le Japon) à la place du Mexique après 
                  avoir notablement sous-estimé les distances. Comme Colomb. 
                  Celui-ci a travaillé à son voyage en utilisant 
                  surtout la géographie de Ptolémée (imprimée 
                  en 1478) et l'Imago mundi de Pierre d'Ailly (1480), mais surtout 
                  des récits de voyages, dont celui de Pie II Piccolomini, 
                  édité en 1477. Il critique Ptolémée 
                  après son voyage en Islande et estime qu'il a imaginé 
                  la terre trop grande alors qu'Aristote la voyait plus petite. 
                  Il a connu la lettre de l'humaniste florentin Paolo del Pozzo 
                  Toscanelli au chanoine Martins de Lisbonne et en a tiré 
                  argument pour réduire la distance entre Europe et Asie. 
                  Mais ses calculs sont dès le départ faux puique'il 
                  utilise le mille romain (1477m) au lieu du mille arabe (1973m) 
                  qui s'imposait en raison de l'origine des données : le 
                  géographe arabe Alfagran. La terre mesurait dont 30000 
                  km à l'Equateur au lieu de 40070 et Cipango à 
                  2400 milles nautiques des Canaries, quatre fois moins que la 
                  distance véritable. Ceci explique que son projet ait 
                  beaucoup traîné (7 ans). D'autres avaient fait 
                  le calcul au Portugal, en Castille et en Angleterre. Il fallut 
                  le signe de la prise de Grenade et l'argumentation religieuse 
                  pour que les rois catholiques patronnent l'affaire et encore, 
                  avec bien peu de moyens. 
                  C'est à Palos, avec l'aide d'autres fameux marins, les 
                  frères Pinzon, qu'il va pouvoir armer deux caravelles 
                  et une nave puis tenter l'aventure avec 90 à 100 marins., 
                  andalous avec quelques basques et quelques portugais. Un tout 
                  petit budget de 2 millions de maravedis. 
                  Il a eu la foi en lui-même et en l'assistance de l'Esprit-Saint 
                  et franchi l'obstacle avec la logique et la logistique communes 
                  dont il pouvait disposer de son temps (la boussole surtout) 
                  après 30 jours de navigation depuis les îles Fortunées. 
                  Pendant trois mois, il va rechercher Cipango, riche en or, perles 
                  et épices. En 1502 encore, à l'issue de son troisième 
                  voyage, il envoie au pape une lettre en affirmant qu'il a trouvé 
                  les royaumes du Livre des Rois, Ophir (d'où le roi Salomon 
                  faisait venir son or) et Tarsis le richissime bout du monde 
                  pour les Hébreux. Il a vu alors les bouches de l'Orénoque 
                  et estimé qu'il s'agissait là de l'un des quatre 
                  fleuves du Paradis. Colomb n'est pas seul à cultiver 
                  les références mythiques en dépit des apparences, 
                  bref à ne pas savoir lire avec les yeux de l'expérience. 
                II. 
                  L'Amérique, Une révélation confuse et contestée 
                  (1492-1502) 
                   
                Avec 
                  ses préjugés, qui sont encore plus grands à 
                  l'égard des indigènes nus qu'il rencontre, Colomb 
                  n'arrive pas à lire sa découverte, mais ses contemporains 
                  ne font pas mieux. Les portugais seuls, en avançant pas 
                  à pas, trouvent l'Inde et ses richesses bien connues 
                  depuis les échanges avec les arabes. Ce qui est ancien 
                  passe donc ce qui est nouveau dans ce monde de la Renaissance, 
                  pas aussi scientifique qu'on le pensait. En tout cas, Colomb 
                  ne veut pas la rupture avec cette culture ancienne. 
                  Et les européens se désintéressent totalement 
                  de son aventure. La conquête de Grenade, les problèmes 
                  de Florence et les réactions de l'empire ottoman les 
                  émeuvent beaucoup plus. Philippe de Commines, bien informé 
                  pourtant en témoigne, qui n'a jamais un mot sur ces voyages 
                  dans ses mémoires. 
                  Le cosmographe Hieronimus Munzer, venu dans la péninsule 
                  l'hiver 1494-1495 a vu des Indiens à Séville mais 
                  n'en a tiré aucune conséquence ; l'information 
                  est encore très floue, très protégée 
                  par le secret d'État aussi, comme il est ordinaire (voir 
                  le Portugal), mais aussi parce que Colomb n'a encore rapporté 
                  aucune épicerie et bien peu d'or, seulement des esclaves. 
                  Le désenchantement des Indes était grand à 
                  la cour espagnole vers la fin du siècle, d'autant qu'en 
                  1499 survient la nouvelle de l'arrivée à Lisbonne 
                  de Vasco de Gama. A cette date, les humanistes espagnols n'acceptent 
                  toujours pas la géographie colombine, comme en témoigne 
                  Nuñez de la Yerba, de Salamanque, qui publie en 1498 
                  avec la Cosmographie de Pomponio Mela, une carte sur laquelle 
                  le sud de l'Afrique se raccorde à la pointe de l'Asie, 
                  niant donc les découvertes de Colomb.  
                  A la cour de Castille, on trouve aussi un humaniste lombard, 
                  Pierre Martyr d'Anghiera, qui a rédigé une abondante 
                  correspondance entre 1493 et 1526, qui sert de base à 
                  ses Decades de Orbe Novo, publié en 1511 (contre son 
                  avis). Dès 1494, il affirme que " les îles 
                  de la mer oceane ne sont pas les Indes mais un monde nouveau, 
                  proche cependant des Indes ". Cabot, florentin au service 
                  d'Henry VIII, aborde à Terre-Neuve en 1497 et Cabral 
                  accoste au Brésil en 1500 ; mais on ne veut rien savoir 
                  encore du continent nouveau, même si on parle déjà 
                  " d'autre monde " et si la mappemonde de Juan de la 
                  Cosa sépare enfin en 1500 l'île de Cuba d'un rivage 
                  incertain. 
                  Pourquoi le nom d'Amérique et non de Colombie ? Car en 
                  1504 paraît l'édition vénitienne Mundus 
                  Novus, des lettres du Florentin Amerigo Vespucci (1454-1512) 
                  à l'ambassadeur de Florence à Paris. En 1507, 
                  les Quatre navigations de celui-ci ont publiées à 
                  Saint-Dié par Martin Waldeseemuller, accompagnée 
                  d'une Cosmographiae introductio qui sera reprise dans le monde 
                  germanique, par Jean Gruniger à Strasbourg en 1509, accompagnée 
                  aussi d'une mappemonde qui tient compte des découvertes 
                  de Vespucci. Dès 1507, Waldeseemuller divise le monde 
                  en quatre et non plus trois parties. Il appelle la quatrième 
                  Amérique à cause de Vespucci. Le succès 
                  est immédiat car Vespucci établit les mythes du 
                  bon sauvage, du cannibalisme, de la sexualité indienne. 
                  C'est la qualité du texte de Vespucci, palpitant et clair, 
                  facile à traduire, qui explique la substitution. Il s'est 
                  trompé dans les distances, il a vu des serpents de mer, 
                  des empreintes de géants et des humains de plus de cent 
                  ans, mais il a su communiquer et a eu du succès. Mieux 
                  même, le texte est lu par Thomas More à Anvers 
                  en 1515 et en quelques jours celui-ci met au point son Utopie 
                  (l'île " Nulle part " en grec)en tenant compte 
                  de l'aventure américaine, l'ouvrage est publié 
                  alors que Magellan prepare son voyage dont l'Utopie est l'anticipation, 
                  avec sa puissance de séduction inentamée, raccourci 
                  des idéaux humanistes de rénovation chrétienne. 
                  Colomb est mort oublié en 1506. Les temps sont proches 
                  de l'explosion de l'Amérique avec Cortès. On ne 
                  craint plus les antipodes et les tropiques torrides et, pour 
                  les indiens, le cataclysme de la conquête espagnole est 
                  en route. De nouvelles Europes se construisent hors d'Europe 
                  à partir du milieu du XVIe siècle.La modernité 
                  est-elle dans la révolution géographique des années 
                  1520 ? 
                  Au Moyen Age, la cartographie du monde était centrée 
                  sur Jérusalem et ne comprenait qu'un seul continent. 
                  Le premier effet des navigations est de faire exploser cette 
                  image du monde en plusieurs îles. Cf Lestringant, le 16e 
                  siècle est donc le temps des îles(et l'Utopie " 
                  l'île de nulle part " n'est pas un hasard dans ce 
                  contexte). La terre devient un archipel sur les nouvelles cartes, 
                  de plus en plus souvent dessinées par les allemands et 
                  non plus par les italiens, catalans ou les portugais comme c'était 
                  le cas pour les portulans (navigation de port à port). 
                  Jusque là, la culture géographique concrète 
                  et la science nautique appartenaient surtout aux Portugais, 
                  qui gardaient jalousement leurs secrets. De leur arrivée 
                  à Madère en 1420 aux exploits de Vasco de Gama 
                  à partir de 1497, les rois Henri le navigateur (†1452) 
                  puis Jean II ont su s'entourer de spécialistes, réunis 
                  à la pointe de Sagres et qui constituent une Junta dos 
                  matematicos fort efficace. Jean II fait même appel au 
                  meilleur cartographe du temps, l'allemand Martin Behaim qui 
                  apporte à Lisbonne les tables de direction et les éphémérides 
                  publiées en 1474 par Regiomontanus à Nuremberg. 
                  En 1513, Nuñez découvre le Pacifique après 
                  avoir traversé l'isthme de Panama, mais l'immensité 
                  du continent américain va se révéler dans 
                  la recherche d'un passage plus commode et moins dangereux que 
                  le détroit de Magellan, dès les années 
                  1520. 
                  Pendant ce temps, les portugais, installés à Ormuz 
                  depuis 1515, ont créé les conditions d'une navigation 
                  sûre dans l'Océan indien en organisant des comptoirs. 
                  En 1522, ils sont aux Moluques, la source des épices. 
                  Les profits énormes réalisés sur le clou 
                  de girofle, la noix de muscade et le macis (écorce de 
                  la noix de muscade) sont à eux, après cinq à 
                  six mois de voyage entre Goa et Lisbonne. 
                  Vers 1530, on connaît à peu près les dimensions 
                  de la terre, on réalise des voyages avec peu de pertes, 
                  on sait aller d'Amérique en Insulinde, bien qu'on ne 
                  sache pas encore, mais pour peu de temps, revenir vers l'Amérique. 
                  Plus de 18000 bateaux ont navigué entre Espagne et Amérique 
                  entre 1504 et 1650, ce qui représente une maîtrise 
                  aussi complète que possible des Océans. On sait 
                  aussi décrire les vieilles terres comme le montre la 
                  Calculation, description et géographie vérifiée 
                  du royaume de France par Loys Boulenger, très expert 
                  géométricien et Astronome, imprimée à 
                  Lyon en 1525. Voir Olivier Cabayé, " Un humaniste 
                  méconnu, Loys Boulenger d'Albi, mathématicien, 
                  cosmographe et géographe ", dans Revue Historique, 
                  CCCV, p. 671-693. Boulenger, qui va justement plagier (chose 
                  courante) Waldseemuller en 1517-1518. 
                  Notre carte du globe se dessine peu à peu mais des terres 
                  légendaires continuent cependant à peupler les 
                  cartes car les mythes perdurent. Les plus célèbres 
                  géographies, la Cosmographie de Sébastien Münster 
                  (1544) et l'Atlas de Gérard Mercator (1585 et 1595) commencent 
                  par une introduction théologique. Même Mercator, 
                  ce flamand installé à Duisbourg (1512-1594)dont 
                  on a utilisé la projection (1569) jusqu'au XXe siècle 
                  (un canevas dont l'élargissement entre les parallèles 
                  augmente avec l'altitude) : l'Ile Brazil, jusqu'en 1667, comme 
                  l'île de saint Brandan ou celle d'Antlia qui donne son 
                  nom aux Caraïbes par la plume de Pierre Martyr d'Anghiera. 
                  La meilleure preuve de cette ambiguité est, tout au long 
                  du XVIe siècle la quête obstinée d'el dorado, 
                  le royaume de l'homme doré, le pays de Cocagne, entre 
                  les fleuves Magdalena et Amazone, un rêve partagé 
                  aussi bien par les espagnols que par les envoyés de financiers 
                  d'Augsbourg, les Welser, ou par les anglais. 
                  Étrange et proche Renaissance : on attendait les progrès 
                  de la raison et ils sont là. L'ouverture du monde et 
                  elle est réelle. Mais les certitudes ne sont pas remises 
                  en cause : les voyages confirment les préjugés 
                  plus qu'ils ne les sapent. 
                 
                  III. L'ouverture est-elle facteur de dynamisme ? 
                   
                Il 
                  est évident que le commerce devient alors le vecteur 
                  dominant des mutations. Le négoce devient une valeur 
                  qui " édifie la paix entre les hommes " affirme 
                  un intendant de la Casa da India. Pourtant, il n'est pas la 
                  valeur première de la civilisation de la Renaissance. 
                  Pourquoi ?Nouveaux horizons et richesses nouvelles ? 
                  Les métaux et les épices sont-ils la première 
                  motivation des découvertes ? On l'a longtemps dit, en 
                  observant le manque de monnaie au XIVe siècle et sans 
                  trop compter les extractions de métaux du Harz au XVe 
                  siècle. Mais Immanuel Wallerstein a posé en 1976 
                  des questions iconoclastes : la faim de blé n'est-elle 
                  pas aussi importante vers la fin du XVe siècle que celle 
                  de métaux dans l'Europe ? En tout cas la quête 
                  du blé explique la colonisation des Iles de l'Atlantique 
                  par le Portugal et le basculement du commerce vers la mer du 
                  nord (très peuplée) au long du XVe siècle. 
                  Vers 1520, les premiers frémissements d'une révolution 
                  économique sont sensibles. En 1503, Vasco de Gama rapporte 
                  à Lisbonne 30 000 quintaux de poivre. On n'avait jamais 
                  vu cela. Dans le port de Lisbonne, le monopole du commerce appartient 
                  au roi qui l'afferme à des traitants (contradadores); 
                  les opérations commerciales sont dirigées par 
                  des facteurs (feitores) et surveillées par des inspecteurs 
                  (veedores). Les marchands italiens sont présents au Portugal 
                  et en Espagne comme ailleurs. Les florentins Di Jacopo, Marchionni, 
                  Ghinetti sont au Portugal, mais en Andalousie, à San 
                  Lucar, en 1492, les Berardi contribuent au premier voyage de 
                  Colomb, eux qui trafiquent déjà des esclaves noirs 
                  pour les Canaries et ils ne sont pas seuls. On trouve aussi 
                  à San Lucar les Pecori, Bernardi, Gondi… et à 
                  Séville les Botti, les Lapi. Bref, ils sont partout où 
                  l'argent circule (Melis, i mercanti italiani nell'Europa mediavale 
                  e Rinascimentale, Firenze, 1990). 
                  Depuis 1501, les portugais livrent leurs épices à 
                  Anvers et s'y implantent : en 1545, Anvers exporte pour 6 millions 
                  de livres tandis que le reste des Pays Bas n'exporte que pour 
                  2 millions. Il s'agit bien d'un port international. On y trouve 
                  aussi beaucoup d'italiens et d'allemands comme les Welser et 
                  les Fugger. Jusqu'en 1570, les voyages aux Moluques (cinq à 
                  six mois, aller ou retour) vont leur procurer d'immenses profits. 
                  Pourtant l'Amérique rapporte aussi peu à peu, 
                  au prix de la multiplication des voyages : pendant quelques 
                  temps, l'orpaillage rend bien à Saint-Domingue : plus 
                  de 9 tonnes d'or entre 1511 et 1520, avant de flechir pour être 
                  remplacé par l'or péruvien puis l'argent du Potosi 
                  mexicain, dont la quantité produite est sensible dès 
                  1531-1540 dans les courbes. Il faut attendre 1570 et l'introduction 
                  de l'amalgame pour que l'argent inonde l'Europe avec la cochenille, 
                  l'indigo et le sucre. Les nouvelles consommations arrivent donc 
                  tardivement. Les nouveaux produits américains, le tabac, 
                  la tomate, vers la fin du XVIe siècle, mais le maïs, 
                  dont la graine fut pourtant rapportée par Colomb, guère 
                  avant le 18e et la pomme de Terre au 19e siècle. Le bilan 
                  des découvertes sur les échanges doit donc être 
                  très nuancé dans le temps et l'espace. Les épiceries 
                  étaient déjà connues et les produits nouveaux 
                  ne sont pas encore arrivés à la fin de notre programme. 
                  Cette mondialisation n'en est pas vraiment une pour le commun 
                  des européens, même riche. Recherche des métaux 
                  précieux et recherche des épices sont peut être 
                  à l'origine des découvertes, mais quand ont-elles 
                  transformé le monde ? 
                  Le développement du commerce a risques provoque la création 
                  des sociétés par action. C'est l'Angleterre qui 
                  montre le chemin quand un certain nombre de Merchants adventurers 
                  créent en 1554 la Moscovy company (240 actions de 25 
                  livres chacune, mais pour un seul voyage à chaque fois. 
                  Pour financer des opérations complexes et longues, les 
                  bourses apparaissent à Anvers (1531) et Lyon où 
                  on négocie marchandises et valeurs tout au long de l'année 
                  (autrefois, seulement aux foires). Les bourses sont ouvertes 
                  " aux marchands de toutes nations " comme le dit l'inscription 
                  placée au fronton de celle d'Anvers. Bien entendu, les 
                  assurances maritimes, développées en Italie puis 
                  au Portugal suivent et donnent lieu à beaucoup de spéculations 
                  et de fraudes. Les emprunts suivent, pour mobiliser les capitaux, 
                  surtout pour la guerre à vrai dire, car Lyon est d'abord 
                  sur la route des Guerres d'Italie. 
                   
                  Transformation de la structure des échanges ? 
                  Dès avant 1560, l'ensemble de l'Europe occidentale bénéficie 
                  cependant de la croissance induite par les découvertes, 
                  ne serait-ce qu'en raison des achats espagnols, un peu partout 
                  en Europe pour approvisionner leurs colonies en blé, 
                  vin, tissus, livres, papier, armes ou œuvres d'art. Les artisans 
                  et paysans profitent donc de l'expansion avec une montée 
                  de l'instabilité sociale des campagnes et la montée 
                  des nouveaux métiers comme celui d'imprimeur. Ailleurs 
                  en Europe, dans les pays de la Baltique, le régime agraire 
                  change rapidement dans les pays grands producteurs de céréales, 
                  embarquées à Stettin, Riga, Hambourg, Dantzig 
                  (au débouché des fleuves navigables). Les navires 
                  de la Hanse exportent d'énormes quantités de seigle 
                  et de froment fournis par la noblesse qui implante le servage 
                  pour mieux tenir les circuits. Ailleurs, en Allemagne du Sud 
                  par exemple, les nobles s'emparent des communaux et déclanchent 
                  ainsi la guerre des paysans en 1525-1526. L'amplitude nouvelle 
                  (faible à notre échelle) des échanges commerciaux 
                  provoque donc des modifications plus ou moins sensibles. Développe-t-elle 
                  les mentalités capitalistes ou modernes comme voudraient 
                  nous le faire croire les disciples de Max Weber ? La question 
                  est discutée et les braudéliens estiment en général 
                  qu'elle n'a provoqué qu'un déplacement d'activité 
                  d'accumulation et non une transformation. 
                  La demande et l'arrivée de métaux monétaires 
                  déclenche une vive hause des prix dès la troisième 
                  décade du siècle : cette révolution des 
                  prix (Hamilton), les multiplie par trois ou quatre et elle suit 
                  les arrivages d'or et d'argent. Elle fait des heureux et des 
                  victimes : victimes sont ceux qui vivent des rentes en argent, 
                  les salariés dont le rattrapage n'est toujours pas assuré. 
                  Mais heureux sont les commerçants, les investisseurs 
                  qui entreprennent dans les défrichements ou les ateliers 
                  de textiles plus légers, les constructeurs de bateau, 
                  les éleveurs de mulet du Poitou et d'Auvergne qui profitent 
                  de l'accélération des échanges en Espagne. 
                  Il y a bien donc des dynamismes économiques à 
                  l'œuvre, qui font passer l'axe des échanges mondiaux 
                  de la méditerranée à l'atlantique. Cette 
                  vue globale est cependant à utiliser avec précautions 
                  : la méditerranée ne dépérit pas, 
                  au contraire. Simplement son activité ne construit plus 
                  le monde nouveau, qui reste d'ailleurs largement le nôtre. 
                Transformations 
                  démographiques ? 
                  En moins d'une génération, la population des Antilles 
                  disparaît sous l'effet du choc microbien. De leur côté, 
                  les marins espagnols transportent en Europe une maladie nouvelle 
                  la syphillis (l'un des frères Pinzon en est probablement 
                  mort dès le premier voyage). Pour la première 
                  fois, l'unification du monde, c'est aussi l'unification microbienne. 
                  L'effrondrement démographique de l'Amérique met 
                  l'Afrique au seuil de la tragédie de la Traite. La tragédie 
                  est enclanchée très vite en effet. Les portugais 
                  ont d'excellents rapports avec le roi du Congo (au NW de l'Angola 
                  actuel), Nzinga Mbenda (1506-1543), devenu chrétien en 
                  1506. C'est là que les missionnaires portugais commencent 
                  à organiser le trafic, à partir des années 
                  20. Les chasseurs d'esclaves avaient été excommuniés 
                  par les évêques des Canaries, de Tolède 
                  et de Séville sur autorisation de Pie II en 1462. En 
                  1538, Charles Quint interdit de diffuser tout avis de la papauté 
                  sur les Indiens. Le développement des colonies ne s'embarrasse 
                  pas beaucoup de considérations humanistes. Durant les 
                  trois premiers siècles de la colonisation américaine, 
                  il est entré quatre fois plus de noirs que de blancs, 
                  environ quatre millions d'esclaves. 
                  Mais l'essor démographique européen ne fait pas 
                  de doute non plus, même si nous manquons de sources pour 
                  le chiffrer (J.-P. Bardet et J. Dupâquier, Histoire des 
                  populations de l'Europe, t. I, Paris, 1997. En provence et en 
                  Languedoc, le nombre des feux triple entre 1470 et 1540, la 
                  croissance est du même ordre dans la Bretagne aux registres 
                  de baptême précoces. L'avance démographique 
                  des pays du Sud sur ceux du nord est également une évidence, 
                  pour le royaume d'Aragon et les villes d'Italie du Nord. Celle-ci 
                  reflète parfaitement le dynamisme de ces régions 
                  : la population de Florence, par exemple, mais c'est vrai de 
                  toutes les villes, gonfle de 59% entre 1459 et 1552 ; celle 
                  de Séville de 40% de 1489 à 1533. Et l'augmentation 
                  concerne autant les campagnes que les villes. Mais la population 
                  ne fait que rejoindre le monde plein du milieu du XIVe siècle. 
                  Il s'agit donc d'un rattrapage, non d'une révolution 
                  démographique ; la relative surpopulation de certaines 
                  zones explique d'une part la recherche de blé et de l'autre 
                  la colonisation postérieure aux découvertes.  
                  Au surplus, les rythmes sont très différents selon 
                  les régions. La principauté de Moscou n'entre 
                  dans l'expansion qu'après 1552 (prise de Kazan puis d'Astrakhan, 
                  qui coupe la route des invasions). Par contre, vers 1530 commence 
                  dans l'Europe dense une une série de disettes rapprochées 
                  qui met fin à la " Renaissance heureuse " et 
                  confirme le monde plein, c'est à dire l'incapacité 
                  de ces sociétés à dépasser les limites 
                  de la production agricole dans les conditions techniques de 
                  ce temps. J.C. Margolin rapporte ces propos d'un habitant de 
                  Souabe qui dit en 1550 sa nostalgie des temps heureux de sa 
                  jeunesse : " Naguère, chaque jour, il y avait de 
                  la viande, de la nourriture à profusion ; aux kermesses 
                  et aux festins, les tables croulaient sous leurs charges. Aujourd'hui, 
                  tout est bien changé. Depuis des années, en vérité, 
                  quel temps calamiteux, quelle cherté ! La nourriture 
                  des paysans les plus à l'aise est presque pire que celle 
                  des journaliers et des valets d'hier ". On voit se multiplier 
                  les pauvres et avec eux, le cortège des épidémies 
                  et des peurs sociales, en même temps que la prise en charge 
                  de l'assistance par les pouvoirs, sous la houlette des théoriciens 
                  humanistes. La paupérisation de masse qui frappe l'Europe 
                  sur fond de croissance démographique entraîne une 
                  réponse des autorités urbaines, soucieuses de 
                  maintenir l'ordre. Elles organisent presque partout des Aumone 
                  générales, par exemple à Nuremberg (1522), 
                  Strasbourg (1523), Lille (1527), Lyon ou Valenciennes (1531) 
                  dont le modèle sera transposé par Charles Quint 
                  à l'ensemble des Pays Bas. Les mesures sont toujours 
                  les mêmes : on regroupe les recettes des anciennes fondations, 
                  on interdit la mendicité, on trie les pauvres pour ne 
                  soutenir que les pauvres honnestes et vertueux, habitant la 
                  ville. C'est un instrument de contrôle social sur les 
                  pauvres : l'aumône de Valenciennes est administrée 
                  par 6 superintendants qui sont des marchands des familles de 
                  l'élite. Voir Yves Junot, " l'aumône générale 
                  de Valenciennes (1531-1566) ", Revue du Nord, t. 82, 2000, 
                  p. 53-72, et les autres études qu'il cite. 
                  Le dynamisme social n'est pas en effet au niveau du dynamisme 
                  démographique, mais par rapport à la suite de 
                  l'histoire moderne, il est quand même remarquable. Il 
                  l'est d'abord pour la noblesse des guerres d'Italie et de la 
                  conquête du Nouveau monde (Constant sur la Beauce et Salinero 
                  sur Estremadure). Les grandes villes commerçantes s'enrichissent 
                  incontestablement jusqu'aux Guerres de Religion : par exemple 
                  les marchands de Rouen (qui passe de 45000 hab v 1510 à 
                  60 000 v 1560- 3 fois Nantes- sont partout dans les pays du 
                  Nord. Ils vendent dans le nord le pastel aquitain et la laine 
                  espagnole et vendent dans le sud les blés et tissus du 
                  nord. A Lyon (20 000 ha sous Louis XI ; 65000 sous François 
                  1er), l'argent des échanges (les foires qui servent aux 
                  changes) est investi dans l'industrie de la soie et l'imprimerie, 
                  qui vont faire la fortune des dynasties urbaines qui entreront 
                  dans la noblesse et la magistrature, on en reparlera. 
                  Bottin, 
                  Gascon 
                  Mais ce dynamisme social est tout de même limité 
                  par rapport à ce que nous connaissons au XIXe-XXe siècle. 
                  Et surtout après un temps où les entrepreneurs 
                  (nous verrons le concept) sont mis en avant (Fugger par exemple) 
                  vient le temps des rentiers. La gentry anglaise a beau développer 
                  les compagnies de commerce par actions, les forges et les mines, 
                  elle est investie culturellement dans un autre monde, celui 
                  de la noblesse. On peut faire cette remarque pour toutes les 
                  élites européennesSi les aspects économiques 
                  jouent un rôle dans cette aventure, ils ne sont donc pas 
                  les seuls. Le désir de répandre le christianisme, 
                  de reconquérir les lieux saints en prenant les musulmans 
                  par l'arrière est, par exemple, au moins aussi important. 
                  Une fois l'ouverture faite, chez les intellectuels et les élites, 
                  il faut une génération pour admettre que les Anciens 
                  se sont trompés et que la terre peut être parcourue 
                  ; l'esprit critique prôné par les humanistes ne 
                  s'impose que très lentement en dehors d'une mince élite. 
                  Il faut encore une génération pour reconnaître 
                  que la découverte de l'Amérique change le monde. 
                  Il en faut encore une autre pour que les conséquences 
                  de la nouvelle économie monde commencent à être 
                  sensibles. Mais il n'a fallu qu'une génération 
                  pour que les conséquences démographiques mauvaises 
                  et bonnes apparaissent. On peut dire, selon la magnifique formule 
                  de R. Fossier (Le Moyen Age) que " L'Amérique est 
                  fille du Moyen Age mais mère de la modernité ". 
                  R. Fossier ne quitte pas les mythes des Lumières mais 
                  il est sensible au caractère démultiplicateur 
                  comme dirait P. Chaunu de certaines techniques nouvelles. N'insistez 
                  cependant pas trop sur ces continuités abstraites : la 
                  Renaissance ne désigne pas une explosion de vie uniforme, 
                  elle est plutôt jaillissement multiforme d'ideaux et saisie 
                  inégale de potentialités. Elle est un moment vibrant 
                  d'existence et de pensée, mais porteuse aussi de terribles 
                  contradictions qui n'en font pas un âge d'or pour tous. 
                  Parmi les aspects déterminants de ce dynamisme contrasté, 
                  il faut insister sur la multiplication des échanges et 
                  le goût pour les techniques, pour l'ingéniosité.  |