Madame
Nicole LEMAITRE
Université Paris I Panthéon Sorbonne
Cours d'agregation d'histoire
Année académique
2002-2003
6. La Renaissance est fille
de la ville
|
|
6. La Renaissance
est fille de la ville
Les paysages urbains
sont légion dans la peinture de la Renaissance. Mais s'agit-il
de villes utopiques ou de villes réelles ? L'une et l'autre
semblent inspirer les peintres et nous peinons à séparer
les représentations réelles et imaginaires. A quoi
ressemble une ville quand elle diffuse cette culture nouvelle ?
A son rêve ou aux réalités sordides ? Quel est
son rapport à la nature et à la campagne ? Même
si le paysage renaît à la Renaissance, que dit-on des
campagnes ? Poser la question ainsi, c'est marquer une coupure entre
la ville et la campagne. Celle-ci est une réalité
physique. Il n'y a pas de ville sans murs. Mais pour autant, la
ville n'est pas totalement coupée du plat pays puisqu'en
temps de paix au moins, elle vit en symbiose avec les campagnes
dont elle se nourrit. Il faut toujours se souvenir que la population
urbaine est très largement minoritaire partout (15% en France).
Les villes semblent bien vivre un âge d'or du point de vue
économique, démographique et culturel, bien repéré
par les historiens romantiques, même s'ils pensent d'abord
à leur temps cf François Guizot, : " La royauté
est la tête de l'état, les communes sont le corps de
la nation " autrement dit les villes sont à l'origine
de la démocratie, tout simplement : ce mythe sert à
construire la démocratie au XIXe siècle.
Qu'est ce que la ville à notre époque ? Nous commençons
à pouvoir évaluer les chiffres et à observer
les groupes sociaux et leurs élites. Toute ville est aussi
un mythe : comment les urbains se voient-ils et comment les autres
les voient-ils ?
Hist France urbaine
B. Chevalier
Simoncini, Giorgio, Città e società nel Rinascimento,
Torino, 1976, très complet et déborde largement l'Italie
; dans le second volume, des commentaires simples d'un grand nombre
de plans et de représentations urbaines.
A. Croix
La ville au XVIe siècle, Colloque du Puy en Velay, Le Puy,
1996.
Towns in Societies. Essays in Economic History and Historical sociology,
éd. Philip Abrams & E. A. Wrigley.
N. Bulst et J.-P. Genet (éd.), La ville, la bourgeoisie et
la genèse de l'Etat moderne, Paris, 1988.
Susan Zimmerman & Ronald F . E. Weissman, Urban life in the
Renaissance, 1989
Les autonomies urbaines et leurs avatars
Qu'est-ce qu'une ville vers 1500 ? On peut répondre par des
critères politiques ou juridiques (autonomie, administration
propre, indépendance par rapport à d'autres pouvoirs…)
par des critères démographiques (un seuil de population),
ou économiques (foires, artisans spécialisés…),
architecturaux (hauteur des maisons)… les critères sont multiples
et pas toujours cohérents selon la région sur laquelle
on travaille et selon ce qu'on demande à la ville.
La vie urbaine est concentrée en des points qui sont toujours
les mêmes et qu'on retrouve dans toute la littérature,
dans Gargantua par exemple. Gargantua et son maître et précepteur
Ponocrates (" endurant au travail " en grec), s'empressent
d'aller voir les artisans ingénieux les jours de pluie Ch
22
Comment on tirait les métaux ou comme on fondait l'artillerie
; ou allaient voir les lapidaires, orfèvres & tailleurs
de pierreries, ou les Alchimistes & monnayeurs ou les haultelissiers,
les tissotiers, les velotiers, les horologiers, miralliers, imprimeurs,
organistes, tinturiers & autres telles sortes d'ouvriers, &
par tous donnant le vin, apprenaient & considéraient
l'industrie et invention des métiers.
Sur la place publique,
Allait voir les bateleurs, trajectaires & thériacleurs,
& considérait leurs gestes, leurs ruses, leurs soubressauts
et beau parler, singulièrement ceux de Chauny en Picardie,
car ils sont de nature grands jaseurs & beaux bailleurs de balivernes…
Allaient ouîr les leçons publiques, les actes solennels,
les répétitions, les déclamations, les plaidoyers
des gentils avocats, les concions des prêcheurs évangéliques.
Les activités urbaines sont donc très typées.
Les villes murées sont d'abord des lieux privilégiés.
Nous sommes en France, entre 1480 et 1550 à l'époque
des " bonnes villes " chères à Bernard Chevalier,
dont " l'accord est parfait " encore avec la monarchie
(cf Bulst et Genet, p. 71-85). Les villes bretonnes, privilégiées
par le fait d'appartenir à une province et non par elles-mêmes
sont nombreuses mais peu peuplées. En dehors de Nantes et
de Rennes, autour de 40000 habitants, aucune ne dépasse 15000
habitants, ni Morlaix, ni Vannes, ni Vitré, ni Fougères.
En Limousin, à la faveur de leur position frontière
par rapport au domaine capétien, 26 villes sont des villes
de consulat, disposant du pouvoir de lever les impôts et d'élire
leurs consuls à défaut de pouvoirs de justice aussi
imposants que ceux d'Amiens dans la même position. Ce sont
pourtant des villes minuscules dont certaines n'atteignent pas 2000
habitants (la limite fixée par les géographes pour
parler de ville), comme Ussel, Égletons ou Aixe-sur-Vienne.
Elles ont pourtant droit de bourgeoisie.
En Rouergue, dans l'enquête sur les commodités de 1552,
on compte 101 villes closes. Bref, plus on va vers le Midi et plus
les consulats sont nombreux. Mais peut-on encore parler de villes
face aux grandes villes de plus de 10000 h de la dorsale européenne
?
Et les villes d'Empire, placées directement sous l'autorité
de l'Empereur, jouissent, plus encore, d'une indépendance
étonnante, qui les rend proches de la poussière des
villes italiennes indépendantes. Prenons Metz, 20000 habitants
peut être, bien racontée par l'écrivain, chroniqueur
et marchand Philippe de Vigneulles. C'est une petite république
administrée par quelques familles où est recruté
le Conseil des Treize, une république aristocratique donc,
mais qui doit sans cesse lutter contre son puissant voisin le duc
de Lorraine. Ce genre de situation est caractéristique de
toute l'Europe Germanique et Italienne, mais aussi en Bohême
et Pologne. Les villes y ont des pouvoirs judiciaires et économiques
considérables. En Italie, par exemple et en France pendant
les guerres de religion, elles recrutent les soldats pour leur défence.
Elles passent un acte écrit (condotta) avec le chef d'une
bande armée (condottiere) qui fixe le nombre, la solde, la
durée de l'engagement, les opérations militaires,
le partage du butin…
C'est en Italie et aux Pays Bas, dans la grande dorsale européenne,
qu'on trouve le plus grand nombre de villes et les plus peuplées
; Jan de Vries a montré que vers 1500, il n'y a que trois
réseaux urbains majeurs : Naples, l'Italie du Nord et la
zone de Bruges à Anvers ; tous participent à l'économie
monde chère à Braudel mais aucune n'est en même
temps une capitale. Paris, avec ses plus de 200000 habitants, un
monstre à cette époque, fait exception par sa taille
sous le règne de François Ier. La plus grande partie
des villes murées compte moins de 10000 habitants, gérés
par une élite de plus en plus mince de quelques dizaines
de familles apparentées. Les organes dirigeants sont un peu
partout les mêmes : des magistrats (maire et échevins,
consuls, jurats, capitouls… ) et des conseils plus ou moins larges
et plus ou moins sollicités. Sous le règne de Louis
XI, le corps de ville français du Nord compte un maire, 24
échevins et 75 conseillers. Les maires et échevins
portent un costume qui est la marque de leur pouvoir, une longue
robe et un chaperon qui sont écarlate tanné à
Paris, cramoisi à Bourges, pourpre chez les jurats de Bordeaux,
noir pour les alcaldes en Espagne… Ils ont place d'honneur à
l'Église et des pouvoirs de justice et de finances importants,
qui dépendent des statuts de la commune. Le roi de France
les protège encore des féodaux, pour peu de temps,
en échange de leur soutien militaire et financier en temps
opportun. On le voit, il ne s'agit pas de démocratie, loin
de là. Les entrées royales manifestent d'ailleurs
ce lien entre la ville et son prince dans des rituels et des décors
allégoriques qui manifestent une véritable culture
symbolique du pouvoir dans la ville : une ville qui représente
le roi et se représente en même temps.
L'autorité légale y est alors affichée et les
hiérarchies fixées cf David Harris Sacks, " Celebrating
Authority in Bristol, 1475-1640 ", dans Urban Life in the Renaissance,
ed. Susan Zimmerman & Ronald F. E. Weissman, Newark, London,
Toronto, 1984, p.187-223. A Bristol, 42 conseillers cooptés
élisent le maire et le sheriff. Le maire reçoit ses
pouvoirs de l'ancien le jour de la saint Nicolas dans une cérémonie
symboliquement très riche qui le montre en juge, représentant
le roi. Le banquet public qui suit rassemble tous les conseillers
pour signifier qu'il s'agit bien d'un seul corps, mais la musique,
les jeux et les danses appartiennent à tout le monde. Au
milieu du siècle, cet équilibre est cependant mis
en cause par les drapiers et les merchant venturers, groupes montants,
bientôt de plus en plus puritains du point de vue religieux,
qui ne se reconnaissent pas parmi les élites et créent
leurs groupes de pression et c'est la monarchie qui en profitera
dans un premier temps pour jouer les arbitres.
Les transformations sociales peuvent en effet affecter de façon
durable les équilibres politiques urbains. C'est le cas avec
le développement du commerce et de la banque, qui met en
cause les autorités aristocratiques anciennes de la ville
(on emploie de moins en moins le mot de patriciat). Ces bourgeois
particuliers, qu'on peut classer dans la catégorie des entrepreneurs,
de plus en plus à l'aise dans leur culture, sont des acteurs
essentiels de la Renaissance. Ils apportent une perception nouvelle
du temps, le goût du risque mais aussi la prévision
et la rationalité. La maîtrise progressive du temps,
de l'espace et du risque sont nés dans ces milieux. Ils franchissent
aisément les frontières, à l'image du vénitien
Aghinolfo Tebaldo qui afferme les salines de Cracovie et une partie
des rentes de la couronne polonaise tout en s'installant à
Cracovie où il meurt en 1495. A Marseille, Jean de Villages,
actif entre 1462 et 1477 était magistrat de la ville en même
temps qu'armateur et corsaire. Il avait commandé la flotte
de Jacques Cœur et devint très gros propriétaire,
comme Jacques et Jean Forbin à la fin du siècle. On
voit même une femme, l'audacieuse Madeleine Lartissat (v.
1480-1545 marchande d'esclaves et armateur, directrice commerciale
de l'amiral-corsaire Bertrand d'Ornezan, baron de Saint-Blancard.
Tous un jour se sont fixés au siège de leur entreprise
après s'être beaucoup déplacés, ce qui
leur donne une culture de l'espace qui tranche dans l'enfermement
urbain. Mais leur rêve est tout de même de passer à
la noblesse, en France et en Angleterre surtout. Ainsi Richard Gresham
(v 1485-1550) qui après avoir fait fortune dans le commerce
devient armateur et prêteur d'Henry VIII. Il fut anobli en
1537 puis gouverneur de la compagnie des Merchant venturers en 1538.
De même Bartolomeo Welser, spécialisé dans le
commerce avec les Amériques et fermier des mines d'Haiti
fut annobli en 1531, au moment où il détenait le monopole
du commerce des esclaves. Ainsi les marchands sont porteurs de valeurs
professionnelles propres mais empruntent surtout au milieu aristocratique.
Ils passent souvent du service de la ville à celui du souverain
mais n'oublient jamais très loin de leur ville d'origine.
Le plus célèbre est Jacob Fugger (1460-1525) d'Augsbourg
et qui dispose pratiquement du monopole de la circulation du métal
entre Allemagne et Italie, l'homme le plus riche de son temps ;
il prête de l'argent à Charles Quint en 1519 et fonde
ensuite pour les pauvres un quartier entier (la Fuggerei) composé
de 106 maisons dont les locataires versent un loyer symbolique mais
doivent réciter tous les jours un Pater, un Ave et un Credo
pour les âmes des fondateurs et leur famille. D'une manière
ou d'une autre, ces lignées marchandes acquièrent
le pouvoir en quelques générations, mais ce pouvoir
est autant culturel que politique. Les capitaux qui sont à
l'origine des ateliers d'imprimerie montrent aussi que ces marchands
banquiers ont su innover. C'est avec les capitaux des bouchers de
Paris que démarre la première grosse imprimerie de
Paris, celle de Jean Petit, c'est avec les capitaux de l'art de
la laine que le Florentin Filippo Giunta (1450-1517) crée
son imprimerie en 1497. En donnant le ton à la culture urbaine,
ces grands négociants internationaux participent donc aux
ouvertures de la Renaissance.
Villes et dynamisme culturel
Cette culture est exprimée dans des supports écrits
et picturaux, pour les grands centres au moins. La ville est mise
en scène, mais qu'est-ce qui compte ? Prenons le cas de Lisbonne,
ville ouverte sur le vaste monde s'il en est, représentée
dans un certain nombre de polyptyques du début du siècle
cf Colloque du Puy. On remarquera qu'il n'y a pas de représentaiton
en dehors des scènes religieuses ;. Ce sont d'abord les martyrs
de Lisbonne, Vérissime, Maxima et Julia (Garcia Fernandes
c. 1521-1530). Lisbonne est représentée par des bâtiments
circulaires dominant un fleuve : elle est la reine du Tage. Les
deux bâtiments sont la tour de Belem (ouvrage défensif
construit de 1515 à 1521) et l'autre est peut-être
la Casa do conto, la Bourse, mais peut être aussi le temple
de Jérusalem, bâtiment polygonal coiffé d'une
coupole indiquant la ville sanctifiée par ses saints martyres.
Un autre polyptique, comme le martyre de saint Sébastien
(antipesteux) représente à nouveau l'ambigue Casa
do Conto et cette fois le palais royal (1536-38). La ville est donc
port et capitale et ses bâtiments disent son identité.
Mais la ville est à la fois actuelle, quotidienne et Jérusalem
céleste ; elle porte en elle à la fois le présent
et le passé. Toutes les villes se pensent ainsi.
Il ne faut pas rechercher de représentation réaliste,
pas encore, mais un " portrait de ville ", une allure,
qui diffuse une identité, que l'image peinte et gravée
contribue à consolider. Cette image est représentation
et non photographie. Il n'y a pas d'exotisme alors que Lisbonne
vit du poivre et des esclaves à cette époque. Il y
a donc loin de la réalité aux représentations
d'elle même que se donne la ville, et pourtant les bourgeois
s'y retrouvent.
Rien n'aurait été possible sans un formidable effort
de formation des élites par les collèges qui les moule
dans une culture commune qui les valorise par rapport au commun.
Ce sont les villes en effet qui financent les collèges. B.
Chevalier considère qu'il s'agit là de dépenses
de prestige, comme l'horloge, les fontaines ou la maison de ville.
De ce point de vue, le contraste est souvent grand avec l'époque
médiévale où les Ecoles étaient sous
l'autorité de l'évêque, encore que dans le Midi,
les consulats ont fondé très tôt des hôpitaux
et des écoles. Cf George Huppert
Les collèges, d'abord fondés par des clercs et dans
les villes universitaires (la Sorbonne) sont alors devenus à
la fois une communauté privilégiée par la ville
et un lieu d'enseignement dans lequel les régents sont choisis
par la municipalité,ou parfois les uns et les autres. La
ville donne d'abord des bâtiments, comme Albi en 1488 ou La
Rochelle en 1504 puis s'entend avec les autorités ecclésiastiques
pour nommer des régents. Vers 1520, les villes prennent de
plus en plus de liberté à cet égard. Au collège
de la Trinité de Lyon (1527) ou au collège de Guyenne
de Bordeaux en 1533, les villes procèdent à des refontes
complètes de la pédagogie sans aide extérieure.
Les élèves sont en général externes
car habitants de la ville. Prenons le cas de Nevers : le règlement
adopté en 1540 prévoit trois classes, une de grammaire,
ouverte même aux enfants qui apprennent à lire, une
de rhétorique et de poésie, une de logique et autres
" arts ".
Les autorités municipales demandent désormais de savoir
expliquer les auteurs latins au goût du jour et des compétances
en grec, pour donner une teinture chic à leurs notables.
Souvent ces régents vont passer à la Réforme,
ce qui explique la reprise en mains, concertée avec les autorités
municipales et épiscopales par les Jésuites à
partir de 1561. C'est plébisciter les méthodes pédagogiques
parisiennes et humanistes sans le risque schismatique en somme.
Les collèges ont parfois créé une sociabilité
particulière, comme le cercle des hellénistes de Limoges,
qui a su former par exemple Jean Dorat (1508-1588), issu d'une famille
consulaire et qui deviendra professeur de grec au Collège
royal en 1556 et l'un des grands poètes de la monarchie.
Cette formation des collèges, accessible aux notables seulement
va peu à peu séparer la culture des élites
et celle des autres, mais pour la première moitié
du siècle, l'homogénéité culturelle
de la ville reste très grande. La culture des magistrats
et celle des artisans restent proches en dehors du latin.
Cette proximité doit beaucoup aux expériences collectives
partagées dans la religion et dans la fête. Celles-ci
sont d'abord religieuses : il n'y a pas de consensus urbain sans
unité de religion (catholique ou protestante). Participer
aux mêmes gestes de la religion : processions en temps ordinaire
ou extraordinaire, confession et communion de Pâques, Processions
des confréries de métier et confréries pieuses,
assistance aux sermons d'Avent et de Carême… les occasions
sont multiples. Et ceci est gros des violences à venir. Elles
sont aussi profanes, même si toutes les fêtes sont religieuses
: M. Bakhtine a remarquablement observé comment la fête
unit les groupes sociaux.
Or la fête est une grosse affaire en ville ; on s'y prépare
collectivement et l'argent est là pour la supporter. Le sommet
est d'une part la période du Carnaval et d'autre part celle
de la Fête Dieu, il suppose à la fois des processions,
des danses et des beuveries ((cf. Breugel, Combat de Carnaval et
de Carême, 1559 commenté par l'anthropologue Claude
Gaignebet, AESC 1972, 313-345)). Le Carnaval inverse les valeurs
pour mieux les faire intégrer par la population, il peut
parfois déboucher en émeute (Romans, 1579-80), mais
il crée aussi de l'identité commune. Il donne l'illusion
aux citoyens qu'ils participent tous à la même identité.
La fête sert l'ordre et la morale sur les marges, mais elle
intègre aussi. Les sociologues et anthropologues ne sont
pas d'accord entre eux sur le sens à leur donner. Ici, nous
choisissons de suivre l'école sociologique française
(Durckheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse,
1912 et tous ses disciples mauqués également par Freud,
de Mauss à F.A. Isambert). La meilleure formule est celle
de Roger Caillois, l'homme et le sacré, 1950 : " Une
fête est un excès permis, voire ordonné, une
violation solennelle d'une prohibition ". La fête ressort
ainsi d'un " sacré de transgression " et manifeste
la sacralité des normes de la vie sociale courante par leur
violation rituelle. Elle est désordre, dérèglement
réglé, pour montrer l'ordre parfait. La fête
de la Renaissance remplit tous ces critères c'est pourquoi
l'identité de Cologne, de Venise et de Rome dépendent
du Carnaval, celle des Géants de Metz, de Cassel (Reuze papa),
de Douai et ses apparitions des Gayants qui interviennent depuis
1530 au moins.…
Il ne faut cependant pas en rester là. Nous observons par
exemple (plus difficilement que dans les cours, mais tous les indices
convergent) comment les milieux moyens urbains peuvent cultiver
une culture musicale de haute qualité cf Howard Mayer Brown,
" Minstrels and Their Repertory in Fifteenth Century France
: Music in an Urban environment ", dans Urban Life in the Renaissance,
ed. Susan Zimmerman & Ronald F. E. Weissman, Newark, London,
Toronto, 1984, p. 142-164 Bonne biblio européenne. Et Nino
Pirrotta, Music and Culture in Italy from the Middle Ages to the
Baroque, Cambridge mass, 1984. Et François Lesure "
Les joueurs d'instruments à Paris au XVIe s " dans BHR
12 (1950), p. 373 et Positions de thèses EC
Les villes emploient des musiciens pour toutes sortes d'occasions,
en particulier pour les criées " à son de trompe
" et pour les danses des fêtes de la ville, en moyenne
trois ou quatre instrumentistes dans les villes italiennes et françaises.
Par exemple, Arras paie en 1501 un trompette et trois autres spécialistes
d'instruments à vent pour jouer dans le beffroy le matin
et le soir au moment de l'ouverture et de la fermeture des portes
de la ville. Bien entendu, toute fête civique requiert un
petit orchestre et des concerts pendant les banquets, des chants
pour vanter la ville, comme à Amiens, lors de la victoire
du duc de Lorraine sur les bourguignons en 1476 ou pour les fêtes
de Jeanne d'Arc, qui commencent à Orléans en 1482
cf Michel Brenet, Les concerts en France sous l'Ancien Régime,
Paris, 1900. Il y avait des cours de musique, mais nous en savons
peu de choses. Beaucoup de ménestrels semblent avoir fait
leur apprentissage dans les maîtrises de l'Eglise et les contrats
prouvent, qu'ils s'organisent pour répéter : Jacques
Levron, " Une association de musiciens au XVIe siècle
" dans Euterpe 7, 1949, p. 123-138.
A Paris, il y a une corporation des joueurs d'instruments depuis
1407. En rapports étroits avec la monarchie. cf Confrérie
St Julien, expression parisienne de la communauté sous l'autorité
de 3 gouverneurs ; on y entre après 6 ans d'apprentissage.
Grosse emprise de la musique sur la vie parisienne: mariages, aubades
amoureuses, jeu de paume... et sur vie publique (entrées,
feux st Jn... fêtes paroissiales : par ex. 1540,11 juin Guibert
Cresson joueur de fifre place de grève à l'image Notre
Dame et Pierre Blanchet joueur de tambourin de Suisse rue neuve
Notre Dame font marché avec les valets de la fete St Severin
(un menuisier, 2 bonnetiers) de jouer pour eux à 4 fires
et 10 tambourins pendant huit jours (MC XI,2), sur vie corporative,
sur la vie universitaire (fêtes de collèges...danse,
théatre. La musique instrumentale est pratiquée par
de larges couches de la société, y compris les manouvriers.
pavane pour grandes cérémonies officielles, gaillarde
pour mariages et défilés confréries, puis branle
dans les salles de bal. Il n'y a pas encore de spécialisation
instrumentale. Quelques grandes familles parisiennes très
conservatrices étendent leur réseau dans toute la
France. Sans compter l'intérêt permanent des villes
pour les orgues et la musique religieuse, intérêt sans
lequel Josquin Des Prez (†1521) ou Clément Janequin (†1558)
n'auraient pu émerger. Beaucoup, comme Palestrina (†1594),
portent d'ailleurs dans les cours le nom de leur ville d'origine.
Mais la fête des fêtes en ville est le théâtre
sous toutes ses formes, des farces des Innocents et du Carnaval,
aux entrées royales, aux processions, aux jeux de la Passion
et de la Fête Dieu. Ce sont aussi les courses de taureau du
Sud Ouest (où les mystères sont absents), attestées
à Saint-Sever depuis 1452. Les jeux théatraux sont
encore un incomparable moyen de brassage des populations urbaines
dans tous les pays ; la foule se presse, de la ville et des alentours.
Il réclame une organisation matérielle coûteuse,
prise en charge de plus en plus souvent par le corps de ville qui
aide des confréries ad hoc : de la Passion, de Saint-Romain
à Rouen, abbayes de " Maugouverne " ou " des
cornards " à Rouen, ou " Enfants sans souci "
ailleurs. Les meneurs de jeu les plus célèbres se
déplacent de ville en ville, comme Jean Bouchet, procureur
à Poitiers, qui monte un mystère à succès
en 1508, qu'il reprend à Saumur, Issoudun, Nantes, Bourges.
Voir Aspects du théâtre populaire en Europe au XVIe
siècle, ed. Madeleine Lazard, Paris, 1992. Et Madeleine Lazard,
Le théâtre en France au XVIe siècle, Paris,
1980.
Malgré son institutionalisation fréquente, le théâtre
est l'un des rares lieux de critique. Il se fait " évangélique
" ou antiluthérien vers 1520, et dénigre les
moines, les jeûnes et la confession après les avoir
défendus. Voir Maurice Accarie, Le théâtre sacré
de la fin du Moyen Age. Etude sur le sens moral de la Passion de
Jean Michel, Lille III, 1983. La Passion d'Angers, œuvre d'un médecin
et régent de l'Université, représentée
pour la première fois en 1486, et jouée à Paris
en 1490, 99, 1507, véhicule très vite des idées
anticléricales après la mort de Jean Michel en 1501
puis des idées protestantes, dans les rééditions
successives au moins jusqu'en 1550. Ce côté subversif
du mystère va leur être fatal.
Dès le règne de François Ier, le théâtre
traditionnel des mystères décline, sous l'effet de
la mode : reprise du théâtre à l'antique, mais
aussi sous les coups de l'administration quand il véhicule
des idées nouvelles. François 1er n'y assiste plus
après 1543 et le Parlement de Paris interdit aux confrères
de la Passion de jouer des mystères en 1548. Désormais,
le public humaniste se tourne vers le théâtre scolaire,
en langue latine. C'est Etienne Jodelle, l'un des membres de la
Pléiade, qui relance la tragédie à l'antique.
Elle sera utilisée aussi par Théodore de Bèze
comme support d'enseignement moral. Mais c'est un théâtre
fermé, qui exclue désormais ceux qui n'ont pas cette
culture.
Les farces se maintiennent mais versent souvent dans la vulgarité.
Pourtant vers 1550 arrivent à Paris et en province les premières
troupes de la Commedia dell'arte, promises à un bel avenir.
Mais aucun mécène français ne songe encore
à faire édifier un théâtre comme on en
trouve déjà en Italie (Vérone) Les Fêtes
identitaires s'étiolent après 1550, pour des raisons
économiques mais aussi en raison du développement
du schisme et plus encore pour des raisons sociales : la culture
des bourgeois change. La preuve en est la forme des villes utopiques
dessinées par Serlio vers 1540 : les plans montrent des espaces
compartimentés où les pauvres sont cantonnés
aux faubourgs et chaque catégorie sociale reçoit un
logement en fonction de son prestige. Voir James S. Ackerman et
Myra Nan Rosenfeld, " Social Stratification in Renaissance
Urban planning " dans Urban Life in the Renaissance, éd.
Susan Zimmerman et Ronald F. E. Weissman, Londres-Toronto, 1984,
p. 21-49 (avec les plans)
Les paysans qui nourrissent la ville sont-ils mieux traités
?
Y a-til une renaissance pour les campagnes ?
La modernité atteint-elle les campagnes ? Quelques traités
d'agronomie, les éloges de la campagne abondante et heureuse,
le tout imité de l'Antiquité, pourraient le laisser
croire. Au XVIe siècle, Xenophon, Hésiode, Theocrite,
repris par Columelle, Caton ou Pline l'Ancien et d'autres sont à
la base des différentes Maisons rustiques et sont bien connus
de l'élite humaniste.
Cf Corinne Beutler, " Vers une étude scientifique de
la littérature agricole du XVIe siècle ", dans
Histoire & sociétés rurales, 1995, p. 224-228.
Mais la multiplication des éditions et surtout sa forte diffusion
n'entraîne pas de changements de l'agriculture. Pourquoi ?
Les traités reviennent comme toujours à l'Antiquité,
grecque en particulier, et font un effort pour mieux nommer les
plantes, en complétant Dioscoride (par exemple, le seigle
était mal identifié ; les dessins permettent désormais
de ne pas se tromper). Quelques propriétaires ont expérimenté
ou observé, à la façon de Bernard Palissy par
exemple ; ils ont souvent tenté de perfectionner l'outillage
sans pour autant inventer des techniques décisives.
Plusieurs traités, italiens, surtout, montrent également
l'intérêt de quelques uns pour une bonne gestion des
propriétés. Nous manquons à vrai dire de témoignages.
Voici le vénitien Alvise Cornaro, 1484-1566 qui mena dans
sa villa de Padoue une vie fastueuse, en la transformant en un centre
humaniste important. Il a d'ailleurs lui-même rédigé
en 1550 un traité d'architecture. et un nom moins célèbre
Trattado de la vita sobria, qui lui permettra, en falsifiant son
âge, de mourir à 98 ans. Il a rédigé
aussi un Traité d'agriculture, perdu, et un Traité
des eaux (1560). Pour une fois, nous savons à peu près
comment il a mis ses idées en pratique sur ses domaines de
Codevigo au Sud Est de Padoue grace à Marie Françoise
Piejus. Cf Essais sur la campagne à la Renaissance. Mythes
et réalités.
Cornaro se flatte d'avoir appris à ses paysans le "
vero modo dell'agricoltura " et pretend en avoir tiré
des profits pour lui et pour ses régisseurs en utilisant
les baux à mi fruits Il a fait conduire des travaux d'irrigation
et de drainage et donné pendant quelques mois du travail
aux plus pauvres, mais ensuite ceux-ci retournaient dans leurs cabanes
de roseaux tandis que le propriétaire profitait des améliorations.
La spoliation ou du moins l'affaiblissement des paysans semble assez
générale. Cornaro tient les paysans moyens par le
prêt, comme en Limousin, Pierre Terrade tiendra ceux de Chaumeil
un peu plus tard. Pour lui, l'essentiel est de spéculer sur
les terres bonifiables de façon à empocher de gros
bénéfices, non pas de produire plus pour nourrir mieux.
Il prétend avoir séparé la terre des eaux et
fait œuvre divine donc, avoir mis l'ordre là où il
y avait le chaos, mais il ne peut prétendre avoir révolutionné
les techniques.
Ces humanistes et premiers arithméticiens furent-ils efficaces
? Poser ainsi la question, c'est chercher des critères qui
qualifient la modernisation paysanne. Or la chose n'est pas aisée
car il n'y a pas d'explosion des rendements et pas beaucoup de cultures
nouvelles (cf thèse Le Roy Ladurie). Les historiens ont surtout
tenté de reconstituer le paysage rural (forme imprimée
par l'homme pour ses activités) pour observer les modifications
de sa gestion, comme Emilio Sereni, Histoire du paysage rural italien,
tr. 1965 ou Marc Venard pour le Comtat Venaissin dans le colloque
de la Société française des Seiziemistes, Essais
sur la campagne à la Renaissance. Mythes et réalités,
paris, 1991. En effet, les italiens propriétaires apportent
en Comtat leur savoir faire dans l'irrigation, mais sans véritable
imitation ailleurs. Les grands marchands marseillais cités
au début de la leçon étaient tous propriétaires
terriens ont surtout cherché à consolider leur fortune,
à trouver le repos, non à rentabiliser la terre à
tout prix. Il n'y a pas de Renaissance agricole, seulement un effort
pour nourrir plus de monde en défrichant et en cultivant
avec plus de bras et donc quelques modifications des paysages (plus
de défrichements, débuts de la domestication de l'eau
en Italie et en Flandres…) et de l'organisation des communautés
(c'est le temps des familles complexes en région pauvre).
Et encore, ce n'est pas vrai partout. Jean Tricard a montré
la faible implication des bourgeoisies dans la reconstructions des
campagnes d'un pauvre pays (Les campagnes limousines du XIVe au
XVIe siècle. Originalités et limites d'une reconstruction
rurale, Paris, 1996. Dans ses Cent nouvelles nouvelles, Philippe
de Vigneulles, d'origine paysanne, pourtant ne s'intéresse
pas du tout au monde rural (même recueil). A tel point qu'on
s'est parfois demandé si les villes ont été
des parasites ou des stimulants pour les économies préindustrielles
E. A Wrigley, dansTowns in Societies. Essays in economic history
and Historical sociology, ed. Philip Abrams & E. A. Wrigley,
Cambridge, 1978, p. 295-309.
Les campagnes ne changent donc ni dans leurs rendements ni dans
leurs façons. Tout au plus peut-on dans des régions
limitées parler de modification des paysages. Mais de telles
modifications existaient aussi au Moyen Age. C'est pourquoi il n'y
a pas de Renaissance pour les campagnes, même si bien sûr
quelques thèmes culturels les parcourent, comme on le voit
avec Menocchio, le meunier du Frioul, né en 1535 et dénoncé
en 1583, qui a lu des livres savants (Les voyages de Mandeville,
les chroniques de Foresti, La légende dorée, et le
Fioretto della Bibbia, une compilation des Ecritures, des Evangiles
apocryphes et des commentateurs médiévaux…) mais il
les a interprétés à sa façon, non savante,
ce qui donne quelques réponses savoureuses à l'inquisiteur,
mais conduira aussi au bûcher ce bavard impénitent.
Peut-on en faire un cas générique de l'introduction
des idées humanistes ? Sûrement pas. D'une façon
générale d'ailleurs, nous ne savons pas ce qu'en pensaient
les paysans eux-mêmes ou du moins nous ne le savons que par
urbain interposé, à travers les journaux et livres
de raison, sauf en Italie et en Espagne.
En dehors des utopies, les espaces de modernité urbains apparaissent
donc bien minces, ils consistent en une culture différenciée
plutôt qu'en une économie nouvelle, même si les
progrès ne sont pas minces. Tout se passe comme si la modernisation
restait limitée à quelques lieux et à quelques
milieux privilégiés. Les sociétés pré-industrielles
ne sont pas encore mûres pour le grand bon en avant, même
si apparaissent quelques signes qui montrent que certains groupes
y sont prêts. On ne peut plus confondre un rêve de progrès
avec le progrès réel, tel que l'ont vu les historiens
romantiques et leurs imitateurs.
CONCLUSION DE LA
PREMIÈRE PARTIE
Renaissance et modernisation
forment elles un couple nécessaire ? Tout dépend de
la définition de cette dernière. Si l'on prend la
définition actuelle des sociologues comme " l'ensemble
des changements complexes d'une sociétéé, qui
impliquent la mobilisation d'une partie de la population, sa spécialisation
dans de nouvelles fonctions (bureaucratie) ou de nouveaux métiers
(livre…), la laïcisation (un mot piège sur lequel nous
reviendrons qui signifie la tendance à cantonner le religieux
dans la sphère privée, un anachronisme à notre
époque), on voit que la Renaissance n'est qu'en partie modernisation.
Mais qu'elle manifeste tout de même des changements, qui expliquent
ce sentiment qu'ont eu les contemporains et qu'ont les historiens
d'une société qui bouge.
Qu'est ce qui est moderne dans la Renaissance ? Si l'on prend le
mot latin d'origine, modernus ,(de modo, recemment), pas grand chose.
Mais depuis le Xe siècle, on observe un balancier entre un
contenu laudatif : est moderne ce qui est ouverture d'esprit, connaissance
des faits, idées nouvelles, absence de routine, et un sens
péjoratif : est moderne ce qui est léger, mené
par la mode, l'amour du changement pour le changement, l'absence
d'intelligence du passé. Il est clair que la Renaissance
est pour ses contemporains l'un et l'autre et pas seulement le premier,
sur lequel les historiens du libéralisme projetaient leurs
aspirations.
Pourtant nier toute efficacité à un changement ressenti
par les contemporains eux-mêmes serait excessif. Il y a bien
une transformation de l'outillage mental des contemporains. L'élargissement
du monde, la guerre des professionnels appellent à développer
l'organisation et la logistique pour mener à bien toutes
les opérations de transport et de colonisation, pour payer
les mercenaires de façon permanente et les épargner
sur le champ de bataille. S'il faut se garder d'additionner, comme
le font parfois les manuels du secondaire, le génie technique
de Léonard, la clarté de la pensée de Calvin,
la lucidité désabusée de Machiavel et le génie
de Fugger qui pense un espace économique mondial, il ne faut
pas nier que dans la vie quotidienne de certaines villes la fonction
organisatrice devient une valeur. La centralisation du courrier
vers Rome par Lyon, Paris, Londres… manifeste une cohésion
grandissante de l'espace européen. En promouvant la perspective
et la symétrie, l'architecture manifeste ce goût profond
de l'organisation. Le Traité des habitations de Serlio est
une méditation systémique sur l'espace de répartition
des groupes sociaux : l'architecture fonctionnelle n'est pas loin.
La conscience historique et le triomphe des horloges comme les utopies
supposent un temps organisé également. Bref, on peut
dire que l'attention au réel, la capacité à
clarifier, le pouvoir d'abstraction, transforment le rapport des
hommes au monde, en ville au moins et parmi ceux qui sont capables
de penser. Si la vitalité médiévale multiforme
est bien là encore, l'idéal glisse vers l'ordre et
l'harmonie en toute chose, y compris en matière religieuse.
Dans ce tableau explicatif de la période, un changement historiographique
majeur affecte ce qu'on estimait encore définir comme laïcisation
il y a un siècle. Les travaux actuels, sans doute interpelés
par une meilleure connaissance des autres civilisations, notamment
de l'Islam, montrent qu'on ne peut séparer en effet société
et religion à notre époque de la première modernité.
Notre société moderne est le produit d'un processus
long et complexe, commencé avant notre période et
achevé après, de sortie du christianisme de l'idéologie
d'une société parfaite. Comme l'affirme Marcel Gauchet,
le christianisme est la religion de la sortie de la religion. Mais
une fois qu'on a posé ce postulat, comment saisir ce qui
arrive à la Renaissance ? C'est ce que nous allons tenter
de comprendre maintenant en observant les rapports entre Renaissance
et réformes.
|